Editions Stock 2017
« Un ailleurs artistique »
De nombreux artistes peintres ont été inspirés par des égéries. Francis Picabia le fut par
une seule muse, Gabriêle Buffet, dont il fut fou amoureux et dépendant une grande partie
de sa vie.
Vous avez envie de découvrir l’influence déterminante qu’elle a eue sur son œuvre et sur
les débuts de l’art abstrait. Vous souhaitez l’approcher et mieux appréhender sa façon de
vivre « libre », dans une époque où la pression sociale et les convenances étaient un frein
au développement de la femme.
Suivez Gabriële Buffet tout au long de sa vie animée par un grand souffle de liberté, qu’elle
ne reniera jamais dans ses choix en ce début de XXème siècle.
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Gabriële Buffet fut la femme du peintre Picabia et la mère de ces 4 enfants, mais fût avant
tout l’accoucheuse des nouvelles tendances artistiques de cette époque.
L’auteure dit à son sujet, alors qu’elle avait 17 ans : « Gabriële n’est pas famille et ne le
sera jamais – même avec ses enfants. Surtout avec ses enfants ».
Ouvrant déjà la voie à la célèbre pensée d’André Gide « Familles, je vous hais, foyers clos,
portes refermées, possessions jalouses du bonheur », « les vacances estivales, dans la
maison familiale n’étaient pour elle qu’une longue nuit d’insomnie ».
Compositrice, elle mena pendant 10 ans une carrière musicale qu’elle construisit dès son
plus jeune âge avec brio, menant de nombreux combats pour être reconnue dans ce
monde exclusivement masculin. Sa rencontre avec Picabia y mit fin. S’est-elle sacrifiée ou
tout simplement, comme l’expriment les auteures du livre « Gabriële est un être libre et,
pourquoi pas, libre au point d’exercer sa liberté en la sacrifiant….il semble que cet
asservissement fut volontaire. »
Pourtant, leur premier contact, lors d’un repas familial, fut loin d’être chaleureux. « Cet
homme représente tout ce qu’elle déteste. Il est coquet, bien qu’il veuille laisser croire le
contraire. Elle le scrute à la dérobée. Trouve ridicule l’assemblage de ses chaussettes de
soie noire impeccables avec un large pantalon en velours élimé à l’ourlet, patiné par les
heures passées à peindre au soleil et des chaussures neuves, brillantes, au cuir souple pour
un pied fin. Une nonchalance luxueuse travaillée dans les moindres détails….. Lorsque
Gabriële se retrouve en face de Francis, les particules de l’atmosphère se concentrent. »
Son intérêt pour lui survint, presqu’à son insu, lors d’un échange sur le pourquoi et le sens
de la peinture.
Picabia : « La peinture m’ennuie du moins de cette manière. Je sais qu’il existe une autre
peinture, une peinture vivant d’elle-même, une peinture hors de toute reproduction
objective.
Ce langage parle à Gabriële . Ces concepts ; elle les maîtrise parfaitement d’un point de
vue musical. En revanche, elle n’avait jamais imaginé qu’il puisse s’appliquer à des
tableaux.
De là, une complicité sans faille s’installe entre ces deux personnages. Tour à tour, elle fut
muse, inspiratrice, égérie, confidente, amante mais aussi consolatrice et maternelle.
« Elle s’est lancée dans une vie de maïeutique sans en ressentir de frustration. »
Sa vie fut comblée, mais ne se limita pas aux lois du couple. Il n’y eût d’ailleurs pas de
règles édictées au sein de ce binôme.
PICABIA se fit remarquer très jeune dans son domaine. Dès l’âge de 12 ans, il faisait de
remarquables copies de petits maîtres qui lui ouvrirent les portes de l’école du Louvre,
puis des Arts déco.
A 19 ans, il découvrit l’impressionnisme à travers Alfred Sisley. Le tableau, « Une rue aux
Martigues » fut son premier chef d’œuvre. Lorsqu’il séduisit Gabriële en septembre 1909,
il était déjà un artiste reconnu.
Puis, ce fut le mariage, leur « voyage de noces » à Saint-Tropez, la découverte de l’esprit
festif et chaleureux de Séville, Madrid, Barcelone mais aussi les fumeries d’opium pour
Picabia. L’annonce de la première grossesse de Gabriële les conduira à Etival, dans le Jura,
port d’attache de la famille Buffet.
Gabriële continua à chercher et à poser les éléments de pensée qui pourraient permettre à
son mari de faire évoluer sa façon de peindre. « Elle commente, il questionne, il essaie, elle
interroge. Ils habitent ensemble un intéressant royaume, leurs esprits s’agencent en
d’innombrables pièces qu’ils visitent, excités, comme on court, grisés, dans des lieux
interdits. »
C’est alors que Gabriële réalisa que son mari, myope, ne saisissait plus que l’organisation
globale des ensembles. Elle fit en sorte que cette faiblesse de la nature devienne la force
de sa créativité.
« Vous admettez le monde arbitraire des sons. Pourquoi ne pas admettre celui des formes
et des couleurs ? » Ce fut la 1 ère fois qu’un peintre produisait quelque chose qui ne
représente rien. Avant Picasso, avant Kandinsky. »
Gabriële accoucha d’une petite-fille. Ce fut le début d’une instabilité dans le couple.
Picabia fuyait ponctuellement mais régulièrement ses responsabilités de mari et père.
« Francis est parti encore une fois. Elle ne les compte plus à présent, ses évasions, ses
fugues, ses fuites perpétuelles, ses escamotages. Est-ce qu’elle s’en émeut ? Oui, peut-être.
En revanche, elle ne se pose pas la question des autres femmes. La nature viscérale de
séducteur de Francis amuse Gabriële, comme on prend plaisir à regarder des fourmis
construire une galerie à la loupe. C’est minuscule et fascinant. Son besoin de corps à corps,
de sexe gai, de foutre et de parfum âcre, elle le conçoit, comme on développe une
tendresse pour les manies des autres. Elle ne ressent pas cela. Ni la jalousie. Ce sont deux
fièvres qui lui sont étrangères. »
Gabriële laissait cependant souvent sa fille à sa mère afin de retrouver et ressentir cette
vie de bohème qui la séduisait. Quant à Picabia, il participait à l’avenir de la peinture « le
cubisme ».
A chaque grossesse, elle cherchait un lieu d’ancrage où toute la petite famille pourrait
s’installer. Mais Picabia sombrait de plus en plus profondément dans la consommation de
l’opium.
Prenant en mains la gestion de ses affaires, Gabriele fit alors des rencontres
prépondérantes dans sa vie de femme.
Elle devint probablement la maitresse d’Apollinaire et assurément celle de Marcel
Duchamp.
Leur vie fut un voyage frénétique d’Allemagne en Espagne en passant par les États-Unis et
bien sûr Paris et le sud de la France avec la traversée quasi désinvolte et sans dommage
de l’effroyable guerre de 14/18.
Il est est aussi celui de cette quête inassouvie du bonheur dans une société faite d’artistes
en tous genres qui sentent bien que leur monde est à un tournant mais qui, comme tous
les précurseurs se sentent particulièrement incompris et se perdent dans l’alcool et autres
drogues.
Francis Picabia, artiste à la réputation sulfureuse, fit bien partie avec Picasso et bien
d’autres de ceux qui en ce début de XXième siècle mirent en place les bases de l’art
moderne.
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Cette lecture vous permettra de traverser cette période o combien féconde dans tous les
domaines de l’art au gré de leurs amours, de leurs envies et de leurs tourments.
Vous comprendrez comment cette femme a pu en parallèle, préserver la qualité de son
intellect et sa vie de femme, maintenir son influence dans le monde de la peinture, art en
perpétuelle révolution, assurer l’intendance d’une famille de quatre enfants, et préserver
autant que faire se peut l’équilibre de son mari, en proie à des questions existentielles et à
une addiction à l’opium.
Vous découvrirez ou redécouvrez à travers le parcours de cette jeune femme hors norme à
quel point le monde de l’art connut une véritable révolution au cours de ces années où
dans tous les domaines, peinture, littérature, musique une multitude d’artistes de toutes
nationalités renversèrent tous les principes et fondèrent ce qui allait devenir l’art
moderne.
Vous percevrez aussi à travers sa vie tumultueuse les prémices d’une libération des mœurs
et d’un féminisme naissant qui allait dominer les décennies avenir.
Ce livre document a été écrit à quatre mains, par Anne et Claire BEREST, sœurs et toutes
deux écrivaines. Elles découvrirent l’existence de Gabriële Buffet, leur arrière-grand-mère
tardivement. Leur mère, Lelia n’a pas connu son père, Vicente, dernier fils de Gabriële et
Picabia. Ni aucun membre de sa famille.
« Un enfant qui n’était pas voulu. Un enfant qui n’était pas aimé par des parents qui
s’aimaient trop. Notre grand-père se suicidera à 27 ans, par overdose, ne laissant aucun
mot, mais une petite-fille de 4 ans, Lélia. »
Et c’est lors d’une grande rétrospective, en 2003, au Musée d’Art Moderne de Paris que les
2 sœurs purent apprécier l’ampleur de l’œuvre de Picabia.
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Compléments de réflexion
– « La jeune fille à la perle », roman de Tracy Chevalier, auteur américain, paru en
2000, inspiré par le tableau de Johannes Werneer, et dont a été tiré le film du
même nom réalisé par Peter Webber en 2004.
Le livre et le film relatent l’influence d’une jeune servante, Griet, dans la maison du
peintre WERMEER. La jeunesse, la beauté, la douceur, la sensibilité et l’intérêt de
cette jeune personne pour la lumière et les couleurs finissent par émouvoir et
bouleverser le maître au point de l’intégrer dans son œuvre et la peindre dans « La
jeune fille à la perle »
Commentaire de MH